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VI


Au petit jour, je me rendis à la station de tramways la plus proche de chez moi.

Le vent soufflait avec tant de force que la porte de ma maison claqua toute seule avant que j’eusse le temps de la fermer. Des gouttes plus grosses que les autres tombaient des corniches sur mes mains. La pluie glissait sur les trottoirs, vers la chaussée. Chaque fois que je traversais une rue, le ruisseau trop large à enjamber submergeait un de mes pieds. L’eau qui dégringolait dans des conduites verticales, fixées aux maisons, s’écoulait à terre comme d’un seau plein qui se renverse. Les manches de ma veste ne tardèrent pas à mouiller mes poignets. Mes mains semblaient ne pas avoir été essuyées, après un lavage.

Un tramway vide arriva. Il avait été lavé la nuit. Les ampoules qui l’éclairaient avaient la tristesse des lumières qu’on oublie d’éteindre avant de s’endormir.

Je m’assis dans un coin. Les chaufferettes étaient encore froides. De l’air, filtrant sous une glace, me gelait les mains. La receveuse, immobile au milieu du tramway, bâillait.