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Ils ne doivent pas attacher beaucoup d’importance aux petits faits.

Il était onze heures. La perspective de retourner dans mon quartier ne me souriait pas. J’avais de l’argent. Pourquoi ne serais-je pas allé à Montmartre bien boire et bien manger et oublier pendant quelques heures ma solitude, ma tristesse et ma pauvreté ?

À midi, j’arrivai sur les boulevards extérieurs. J’avais faim et pour être plus affamé encore, je flânais exprès.

Des arbres maigres, sans feuilles, sans écorce, ficelés à un poteau, plantés dans un trou sans grille, se suivaient de cinquante en cinquante mètres. Entre chacun d’eux, il y avait un de ces bancs marron, sur quoi on est obligé de se tenir droit. Par-ci par-là, une baraque Vilgrain vide, un chalet de nécessité avec des affiches d’avant-guerre, un étranger qui déplie un plan ou qui consulte un Bædeker, reconnaissable à la tranche.

Je m’arrêtai devant chaque restaurant pour lire le menu polycopié, collé sur une vitre.

Enfin, je pénétrai dans un restaurant à demi dissimulé par des caisses d’arbustes.

On ne voyait pas les pieds des tables, à