Page:Bove - Mes Amis.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nuque contre le dossier : c’eût été trop familier. Mais mon cou se fatiguait, comme quand on lève la tête, au lit.

Mon chapeau, sur mes genoux, sentait les cheveux mouillés. Mes yeux rasaient le niveau de la table, comme ceux d’un géomètre. M. Lacaze manipulait un coupe-papier, un bout après l’autre. Je voyais son poignet jusqu’au coude, dans la manchette. Sous le bureau, ses jambes étaient croisées. Celle qui ne touchait pas le parquet tremblait. La semelle du soulier était neuve, à peine blanchie au milieu.

— Mon brave, je vous ai fait venir parce que je m’intéresse aux pauvres.

Je changeai de position. Aucun bruit de ressort ne sortit du fauteuil.

— Oui, je m’intéresse aux pauvres, aux vrais pauvres, bien entendu. Je déteste les gens qui exploitent la bonté d’autrui.

S’appuyant au bureau, il se leva comme quelqu’un qui a mal aux genoux, puis il arpenta la pièce, les mains derrière le dos, en faisant claquer deux doigts, à la manière d’une danseuse espagnole.

Ma tête se trouvait à la hauteur de son ventre. Gêné, je levai les yeux pour le regarder en face.