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— N’ayez pas peur… Monsieur est si bon.

J’étais rouge. Mes mains suaient en dedans. Abêti par l’émotion, j’allais vers la porte ouverte et pleine de la lumière du jour, comme un morceau de bois vers le centre d’un tourbillon. Je ne pensais même pas à réagir. Je me disais :

« Qu’on fasse de moi ce que l’on voudra. »

J’entrai.

La porte se referma derrière moi, sans bruit. Deux fenêtres descendaient jusqu’au parquet : du milieu de la pièce je vis la rue. J’étais ébloui. Le seul pouvoir qui me restait était d’accentuer ma gaucherie. Le bord de mes oreilles me brûlait, comme quand on a eu froid. Ma bouche était sèche, à force d’avoir respiré sans faire de salive.

Les yeux grands ouverts, les cils en l’air, je regardais M. Lacaze.

C’était un autre homme. Il n’avait ni chapeau ni pardessus. Il était en noir. Une raie blanche séparait ses cheveux en deux parts égales. Ses oreilles plates bougeaient parfois, de bas en haut, très vite.

Dans la gare, il ne m’avait pas tant imposé. J’ai l’habitude de voir des gens riches,