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— Prenez l’escalier de service, au fond de la cour. C’est au deuxième.

Comme il ne me rendait pas la carte, je la lui demandai, car j’y tenais.

— Tenez… tenez… la voilà.

En traversant la cour, je sentis qu’il me suivait des yeux. Cela me gêna. Je n’aime pas qu’on me regarde le dos quand je marche. Cela me fait marcher mal. Je pense à mes mains, à mes talons et à mon épaule trop haute.

Dans l’escalier de service, je respirai mieux.

Une ampoule éclairait chaque étage et, parce qu’il faisait jour, je vis les fils à l’intérieur de ces ampoules. Même dans cet escalier, il y avait des sonnettes électriques.

En gravissant les marches, je songeais au concierge. Je ne pouvais croire que M. Lacaze lui avait parlé de moi. Ce concierge, certainement par jalousie, m’avait fait monter par l’escalier de service. Il avait vu, avec son œil de domestique, que j’étais pauvre. Si l’œil des domestiques est si exercé, cela tient au fait qu’ils haïssent leur métier. Ils ont renoncé à leur indépendance, vis-à-vis des riches seulement. L’instinct de la liberté qui, malgré tout, existe au fond de leur cœur, leur permet de