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Le monsieur donna son adresse assez fort, à cause du moteur, puis étalant de la monnaie sur sa main, il choisit une pièce et me la tendit.

Je sentis que dans quelques secondes je rougirais. Moins par fierté que pour me rendre intéressant, je refusai. Je fis même un geste avec la main.

— Vous ne voulez pas ? interrogea le voyageur, changeant de ton et me disant vous.

Ce refus, pourtant ordinaire, l’avait ému.

Le chauffeur, violet comme une varice, nous observait, les mains sur le volant.

— Pourquoi refuser ? Vous êtes pauvre.

À cet instant, j’aurais dû balbutier quelque chose et me sauver. Mais je restais, espérant je ne sais quoi.

— Vous m’intéressez, mon brave.

L’inconnu sortit une carte de visite et, l’appliquant contre le taxi, il écrivit : « 10 heures. »

— Tenez… Venez me voir demain matin.

Il monta dans l’automobile, qui bascula comme une barque.

Immobile, la carte à la main, ne sachant que dire et voulant parler, je restais là, au bord du trottoir.