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Cet inconnu était gras. Son ventre sortait du veston. Les poils de sa moustache rousse étaient égaux.

J’étais ennuyé, non pas qu’il me prît pour un commissionnaire, mais du fait qu’il troublait mon amertume. Maintenant, quelqu’un me parlait ! Je ressemblais donc à tout le monde. À cause de cet homme je n’avais plus le droit de me plaindre.

— Prends cette valise, mon brave.

Il avait la paresse des gens qui ont voyagé et qui trouvent naturel que l’on se précipite sur eux, qu’on leur fraye un passage.

J’hésitais à prendre la valise : une jeune fille nous observait.

À la fin, m’étant résigné, je saisis la poignée de ma main valide et je suivis le voyageur.

Son pardessus se relevait derrière, sans doute parce qu’il s’était assis dessus.

À chaque instant, je m’arrêtais pour me reposer et pour regarder mes doigts écrasés.

Le voyageur, lui, ne s’arrêtait pas en même temps que moi. Il continuait sa route et m’attendait plus loin, pour n’avoir pas à m’adresser la parole.

Tout le long du chemin, je baissai les yeux,