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— Oui.

Je commandai encore un litre de vin.

En trinquant, je constatai que mes ongles étaient plus propres que ceux de mon voisin. Je ne sus pas si je devais en être fier ou gêné.

Les verres une fois vides, je versai aussitôt à boire de crainte que Neveu ne me devançât. S’il avait pris la liberté de servir, cela m’eût choqué. Il m’aurait semblé qu’il ne tenait pas compte de ma supériorité. Il me tutoyait ; c’était déjà bien assez.

Nous étions gais. La tête me tournait, comme en balançoire. Je me sentais devenir bon, sans arrière-pensée, vraiment bon.

— Tu sais Neveu, ne crains rien. Je te louerai une chambre. Si tu veux, on sera de vrais amis. On ne se quittera jamais.

L’expression du marinier changea subitement, peut-être à cause d’une mèche qui tomba sur sa tempe. Ses rides d’acteur, qui allaient des narines au coin des lèvres, devinrent moins profondes.

— Oui… oui… si tu veux.

Ce tu me choqua mais, tout de même, moins que la première fois. Je reconnaissais que j’avais eu tort. L’ivresse me donnait envie de partager tout ce que je possédais.