Page:Bove - Mes Amis.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cause. Je voudrais que l’on s’occupât de moi, que l’on m’aimât. Comme je ne connais personne, j’essaie d’attirer l’attention, dans la rue, car il n’y a que là qu’on puisse me remarquer.

Mon cas ressemble à celui du mendiant qui, en plein hiver, chante sur un pont, à minuit. Les passants ne donnent rien parce qu’ils trouvent cette façon de demander l’aumône un peu trop théâtrale. De même, en me voyant accoudé sur un parapet, mélancolique et désœuvré, les passants devinent que je joue la comédie. Ils ont raison. Mais, tout de même, ne pensez-vous pas que c’est une situation bien triste que celle de mendier à minuit sur un pont ou de s’accouder sur un parapet, pour intéresser le monde.

Le marinier emplissait ses poches de cailloux, afin de couler plus vite.

— Faites comme moi, dit-il.

La situation s’aggravait. Je n’aurais pas voulu parler de mon argent, mais maintenant, il n’était plus possible de se taire. Jusqu’au dernier moment, j’avais espéré qu’un événement inattendu m’épargnerait de dire que je possédais un peu d’argent.

— Hé… hé…