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l’un au cavalier de vingt-cinq ans évoqué par l’autre ! Avec Sandrart, nous devinons pourquoi le mitron devint peintre : par amour, comme le forgeron hollandais ou le statuaire grec ? Nullement ; mais par l’éveil fortuit d’une vocation ! À quoi bon voiler ces faibles origines ? L’arbre est-il moins majestueux quand le germe est connu ? Cette coalition des difficultés extérieures ou natives n’ajoute-t-elle pas à notre admiration pour un tel génie ? Aperçue dans sa perspective, cette vie sans histoire devient héroïque : elle n’est plus seulement un problème captivant, mais un grand exemple.


V

Beati pauperes spiritu…

Joachim de Sandrart n’est pas uniquement d’accord avec les archives de Rome, mais avec un document plus décisif : l’ignorance avérée du Lorrain. Même dans son art, il n’a jamais passé pour un savant. Plus coloriste que dessinateur, il entendait mieux la perspective aérienne que la perspective linéaire, et les nuances de l’atmosphère que la géométrie des lignes : Sandrart et Baldinucci ne se contredisent pas non plus sur ce point, et l’avenir devait leur donner raison. Quant aux figures de ses grands paysages composés, toutes défectueuses qu’elles paraissent, elles ne sont pas de sa main : des collaborateurs italiens, français ou flamands se chargent d’ajouter les acteurs de la Fable