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avant-propos

naissances qu’on aura logé à la surface de son esprit.

Il faut mettre les enfants en face des réalités, non des fantômes pédagogiques. Seule la vérité est digne d’eux, seule elle a la force de pénétrer leur intelligence. Quelle différence d’attrait et d’efficacité entre un enseignement où l’on traite les choses comme des mots, et un enseignement où sous les mots on cherche les choses ! Un distingué professeur allemand m’a conté qu’ayant achevé dans un lycée français, en 1867, des études faites jusqu’alors dans un gymnase allemand, il fut émerveillé du caractère vivant et réel qu’avait chez nous l’enseignement de la philosophie, et qu’en comparaison les enseignements qu’il avait reçus en Allemagne lui parurent scolastiques et froids.

C’est l’application de ces idées à quelques questions d’éducation qu’ont en vue nos deux dernières conférences. Elles tendent à montrer que la communication directe de l’esprit avec les grands objets de la littérature et de la science, est, à l’école même, possible et efficace, que la vérité est par elle-même intelligible et désirable, et que c’est à la faire voir telle qu’elle est en soi, non à la masquer par de prétendues adaptations, que doit s’appliquer l’éducateur.

Il en est de l’éducation comme de la morale. Être homme et faire des hommes, par la communion de l’individu avec l’humanité : voilà la loi.

Mai 1895.