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avant-propos

moire, nous revient constamment à l’esprit, s’assimile à notre substance par le charme de la forme comme par la richesse et la profondeur de l’idée, et devient insensiblement un mobile, un principe d’action, un élément de notre volonté.

Ce serait donc déjà faire œuvre très utile, encore que simple et modeste, que de dicter chaque jour à ses élèves, tantôt le récit d’une belle action, tantôt une maxime tirée du trésor religieux, moral, littéraire de l’humanité. Il serait intéressant pour le maître de choisir lui-même les uns et les autres, de les disposer dans tel ou tel ordre. Ces récits et maximes seraient appris par cœur et souvent répétés. Le maître les expliquerait avec soin, les rapprocherait entre eux, et, selon ses connaissances et ses facultés, en tirerait la matière de réflexions plus ou moins élevées et philosophiques. Un tel enseignement est à la portée des moins ambitieux et peut contenter les plus savants. Qu’ont donc fait les grands prédicateurs autre chose que d’expliquer des maximes de l’Écriture ?

Appuyé sur de tels fondements, l’enseignement de la morale à l’école peut facilement échapper au reproche d’obscurité, d’abstraction, de sécheresse, de difficulté, de fantaisie individuelle. Que la valeur morale des maîtres commande l’estime, qu’ils se sentent en possession de cette liberté d’action qui est la condition du bien et même du sentiment de la responsabilité, qu’ils enseignent d’ailleurs au grand jour, soutenus par la sympathie et les conseils de leurs appuis naturels ; et l’école ne faillira pas au devoir qu’elle a