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xiii
avant-propos

l’homme qui vit et agit au sein de la société, il en cherchera la conciliation. Il comprendra que la cité qui a pu suffire aux Grecs ne suffit pas aux modernes ; que ceux-ci voient aussi des choses bonnes en elles-mêmes dans la famille, dans la fraternité humaine, dans la science, dans la justice, dans le respect de la conscience, dans la liberté, dans le travail, dans l’égalité ; et il imprimera dans les esprits la persuasion que la meilleure conduite est celle qui, parmi tant de points de vue divers, concilie le plus d’intérêts et fait le moins de victimes. Il se défiera de l’idée peu pratique de l’absolu. Toutes les œuvres de l’homme sont défectueuses par quelque endroit. Ne vouloir retenir que celles qui sont bonnes à tous égards serait les condamner toutes.

Mais ce rapprochement des idées les plus diverses ne risquera-t-il pas de n’être que désordre et confusion ? Attendra-t-on que l’harmonie s’y introduise d’elle-même, ou se réglera-t-on sur certains principes ? Il faut, certes, se garder des constructions factices et individuelles ; mais il n’est pas nécessaire d’y recourir pour pouvoir organiser dans une certaine mesure les idées morales.

On a beaucoup médit de la méthode d’autorité. Elle est sans usage dans la science ; mais qui de nous s’en passe dans la vie ? En l’absence d’un critérium matériel ou rationnel, qu’avons-nous ici de plus considérable que le long attachement de l’humanité à certaines idées, la haute antiquité de telle maxime encore vivante aujourd’hui, le témoignage d’un So-