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avant-propos

pour inutile. Bien au contraire, nous leur demanderons d’autant plus de nous aider, selon la mesure de notre intelligence, à comprendre et à organiser les notions morales communes, quand nous saurons que c’est précisément ce travail qu’ils ont eu en vue dans leurs sublimes constructions.

Quel est au juste l’objet que nous devons nous proposer dans notre réflexion sur les idées morales communes ? Ici encore considérons l’homme réel, aux prises avec les conditions réelles de l’existence. Les problèmes qui se posent devant lui ne ressemblent pas à ceux qui s’offrent au savant. Le savant se trouve en présence de plusieurs hypothèses possibles : il s’agit pour lui d’en retenir une en éliminant les autres. Un principe pur de toute contradiction interne est ce qu’il se propose d’établir. Mais dans la vie pratique il s’agit, au contraire, le plus souvent, de concilier des partis qui, logiquement, paraissent contradictoires. Pour y réussir, tantôt on prend un moyen terme, tantôt on cherche un terrain où s’atténuent les contradictions. Souvent on accepte une solution qui présente de réels inconvénients, parce qu’elle présente de plus grands avantages. L’homme d’action sait qu’en toute chose il y a du mauvais lié au bon, et il admet le tout en bloc, pourvu que le bon l’emporte, lorsqu’il lui est impossible de faire le départ.

L’éducateur ne peut mieux faire que d’enseigner ce qui est en effet l’objet de nos méditations dans la vie réelle. Il recueillera les plus belles et solides expressions de la conscience morale, et, à l’exemple de