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avant-propos

dant il faut vivre, et l’action n’attend pas. Force nous est de chercher ailleurs les maximes que la science, même la plus hardie, ne nous fait espérer que pour une époque très éloignée, et de suppléer à l’évidence démonstrative par le sens pratique.

Comment, en fait, procède chacun de nous pour déterminer les maximes morales sur lesquelles il réglera sa conduite ? Il me semble que c’est à cette question qu’il en faut venir, et qu’il est factice et illégitime d’imaginer pour l’école une méthode différente de celle qui, dans la vie réelle, est suivie par les honnêtes gens.

Or nous ne réglons pas d’ordinaire notre conduite sur un système métaphysique ; surtout nous ne nous enfermons pas dans tel système déterminé. Encore moins nous piquons-nous de rigueur scientifique : car, à ce compte, de même que nous nous adressons à un ingénieur pour résoudre un problème de mécanique pratique, à plus forte raison devrions-nous consulter un déontologue de profession pour obtenir la solution d’un problème moral. Mais notre réflexion, sollicitée par la vie, par nos observations, nos conversations, nos lectures, nos connaissances, s’attache à certaines idées qui nous paraissent plus importantes, plus vraies, plus belles, plus inviolables que les autres ; et de ces idées nous nous composons une sorte de code que nous jugeons mal d’enfreindre. Plus d’ailleurs nos connaissances et notre intelligence sont développées, plus large est la base de notre morale, plus grand notre effort pour y mettre de l’harmonie