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avant-propos

professionnelle, chacun de leurs actes et chacune de leurs paroles, constituent un enseignement moral très efficace : l’enseignement par l’exemple. Mais ce n’est pas tout. Entre l’instruction tenue pour immédiatement et nécessairement moralisatrice, et l’éducation conçue comme séparée de l’instruction, il y a un moyen terme : l’éducation par l’instruction. Or c’est là proprement ce qui appartient à l’instituteur public. Son rôle est d’instruire, non de prêcher : il n’en sortira pas. Mais parmi les matières de l’instruction, il en est qui se rapportent plus directement à la morale : il s’y attachera avec prédilection. Et qu’on n’objecte pas qu’en cet ordre de choses savoir n’est rien, faire est tout, et qu’il y a loin d’une leçon répétée sans faute à un effort pour pratiquer ce qu’on a appris. Tout, certainement, n’était pas paradoxal dans la célèbre doctrine de Socrate, suivant laquelle l’homme qui possède véritablement la science du bien ne peut manquer de vouloir le faire. Toute science, sans doute, n’est pas efficace pour rendre l’homme meilleur ; mais la science morale proprement dite est un important mobile d’action pour l’homme, et cela d’autant plus qu’il voit ses maîtres conformer eux-mêmes leur conduite à leur enseignement.

Mais en quoi doit consister cet enseignement de la morale ? Visera-t-il à inculquer aux élèves un système dogmatique, considéré comme l’expression la plus parfaite de la vérité en cette matière ? Loin de moi la pensée de déprécier les magnifiques spéculations d’un Aristote ou d’un Kant ! Mais il s’agit ici de