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iv
avant-propos

rapports, l’école pourrait se dire qu’elle travaille du même coup à cette culture de la volonté qu’également nous attendons d’elle.

Il est douteux que le problème de l’éducation à l’école puisse se résoudre aussi sommairement. Dès le XVIIIe siècle, Rousseau se demande si le progrès intellectuel a nécessairement pour conséquence un progrès moral, et il soutient que, pour que la civilisation ait cet heureux effet de transformer un être mû par l’instinct en une personne raisonnable et libre, il faut qu’elle soit dominée par l’idée des fins morales de la nature humaine. Et, de fait, l’expérience comme le raisonnement semblent bien montrer que l’instruction est surtout un instrument dont on peut faire un bon ou un mauvais usage, comme de la langue, selon Ésope. Elle peut fournir des ressources à l’éducation, elle ne la contient pas. Celle-ci a ses principes propres et veut être poursuivie directement.

Ne convient-il pas, dès lors, que l’école soit ouvertement chargée, comme d’une mission double, et de l’instruction et de l’éducation, et emploie les moyens qui conviennent à chacune d’elles ? La question sera vite résolue si l’on se contente de généralités vagues ; mais elle paraîtra sérieuse et embarrassante à qui voudra la résoudre avec précision.

Nous devons certes élever, et non pas seulement instruire ; mais comment et dans quelle mesure ? Il est clair que nous ne saurions nous attribuer la mission de rendre la famille et la société inutiles, et de former à nous seuls la conscience de l’enfant. Nous