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iii
avant-propos

à l’éducation proprement dite, on ne pourra se dissimuler que la réponse comporte des difficultés. Jusqu’à quel point avons-nous le droit, vis-à-vis d’enfants qui nous sont étrangers, de nous faire proprement éducateurs ? Disposons-nous d’une doctrine suffisamment incontestée, avons-nous l’autorité nécessaire pour jouer un pareil rôle ? Ne peut-il pas arriver que ce que nous appelons nos principes se réduise à des opinions individuelles ? Notre droit s’étend-il au delà de l’enseignement des faits, qui est proprement ce que les familles attendent de nous, et ce qui seul comporte un contrôle certain ? Pouvons-nous éviter ces questions ? Pouvons-nous dire que, seules, la subtilité ou la mauvaise foi les tiennent pour délicates ?

Une chose paraît incontestable. L’école n’a pas le droit de se désintéresser de l’éducation. Il est clair qu’elle exerce une influence sur le caractère comme sur l’intelligence. Puisque cette influence existe, il faut faire en sorte qu’elle soit bonne. Mais ici commence la difficulté.

Selon une théorie que nous ont léguée quelques-uns des plus beaux génies du siècle dernier, les lumières, à elles seules, en affranchissant l’homme, le rendent nécessairement meilleur et plus heureux. L’école, à ce compte, pour remplir sa mission éducatrice, n’aurait pas à envisager dans l’éducation une fin distincte de l’instruction proprement dite. En poursuivant, comme pour lui-même, le progrès de l’intelligence, en se plaçant exclusivement au point de vue de la science comme étude des faits et de leurs