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mépriser les sciences, et qui aimait à mettre chacun sur son fonds, le questionna un jour sur cette matière. La conversation, sans doute préparée, fut une sorte de conférence. Elle nous a été conservée par Fontaine, secrétaire de M. de Saci. À vrai dire, ce que nous possédons, sous le titre d’Entretien de Pascal avec M. de Saci, n’est pas le propre texte de Fontaine, sous sa forme primitive. Nous n’en avons pas moins l’impression d’avoir affaire à la pensée et même, pour une forte part, à la parole de Pascal.

Ce n’est pas sans quelque inquiétude que M. de Saci engage l’entretien. Il tient les philosophes pour de véritables usurpateurs, s’arrogeant une autorité qui n’appartient qu’à Dieu ; il n’admet pas qu’aucune lumière puisse manquer à qui possède l’Écriture et saint Augustin. Pascal, malgré son extrême déférence, ne s’occupe pas de complaire à son interlocuteur. Il répond avec la candeur de son âme et la netteté de son esprit. Il regarde la vérité en face, même si elle paraît embarrassante. Il a confiance dans son génie, éclairé par Dieu, pour concilier les propositions qui paraîtraient contradictoires.

Il expose à M. de Saci que ses deux lectures les plus ordinaires ont été Épictète et Montaigne, et il fait un grand éloge de ces deux esprits. Remontant à la source de leurs pensées, il voit en eux les représentants par excellence des deux formes essentielles de la philosophie.

Épictète et Montaigne sont, dit-il, bons chacun par un côté et mauvais par l’autre. Épictète a bien connu le devoir de l’homme : il a bien vu que l’homme doit regarder Dieu comme son principal