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sa nature, qui n’est sans doute elle-même qu’une plus vieille coutume ?

Quelle chose misérable que l’homme, et se peut-il qu’il mette en soi sa complaisance !

En même temps que naissent dans l’esprit de Pascal ces pensées nouvelles, un changement analogue se produit dans les mouvements de son cœur. Il ne trouve plus que des sujets de trouble et d’inquiétude dans les choses qui faisaient ses délices. Le contentement, la paix désertent son âme ; un scrupule continuel combat la jouissance que lui apportent les biens de ce monde réputés les plus purs. De tout ce qu’il aimait la douceur n’est plus qu’amertume, le charme s’est changé en crainte et en remords. Un mal inconnu travaille cette âme qui naguère s’épanouissait en s’ouvrant avec confiance à toutes les joies humaines.

D’où vient cette lumière étrange qui, obscurcissant tout d’un coup, aux yeux de Pascal, les plus brillants objets, a changé en dégoût l’amour qu’ils lui inspiraient ?

Cette lumière ne vient pas de l’homme. Comment un même être pourrait-il, dans le même temps, se poser et se détruire, réunir deux manières d’être contradictoires ? Donc elle vient d’un monde autre que le nôtre elle vient de ce Dieu, devant qui, selon la religion, tout notre être n’est que vanité, misère et corruption. Mais que vaut la croyance à la réalité de ce monde surnaturel ? Pascal, en face de cette question, n’est plus dans la disposition où il était lors de sa conversion première. Alors il vivait surtout par l’intelligence, et son