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faillir est de se trouver d’accord avec M. Fermat. C’est ainsi que ces deux grands hommes créèrent simultanément la théorie des probabilités.

Pascal est loin maintenant de cet état de fluctuation qui avait suivi sa conversion aux idées de Jansénius. Il a retrouvé l’équilibre et l’accord avec lui-même. Mais il n’est pas pour cela revenu au système de compromis entre le monde et Dieu, que lui avait enseigné son père. L’homme naturel, tel qu’il se dévoile à l’observateur, sa pensée, son cœur, sa vie, ont maintenant à ses yeux une dignité, une richesse, une beauté qu’il ne soupçonnait pas. L’homme est maintenant, pour lui, un principe et une fin. Accomplir les actions propres à réaliser, sous sa forme parfaite, la nature humaine, s’élever ainsi infiniment au-dessus des choses matérielles qui nous entourent, créer en nous, par la grandeur de nos passions et la profondeur de notre science, une image de la pensée pure et de la science absolue qui nous dépassent invinciblement, telle est son ambition, telle est l’occupation à laquelle il demandera les joies nobles et intenses dont il est avide. Le monde le possède. En 1653, il songe à prendre une charge et à se marier.