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demandait, et l’affaire fut terminée. Avait-il agi par intérêt ? Vraisemblablement il avait surtout voulu garder Jacqueline ; et il avait trouvé mauvais que, pour un motif qui ne le touchait plus, elle aliénât une part du patrimoine de la famille.

La profession eut lieu le 5 juin 1653. Pascal, écrivant à M. Périer le lendemain de la cérémonie, aima mieux taire les sentiments qu’il y avait éprouvés.

Tandis qu’il se détourne des choses religieuses, il s’intéresse de plus en plus aux choses du monde. Il recherche les plaisirs, sans toutefois s’y livrer d’une façon déréglée. Sa fortune est trop médiocre pour lui permettre de vivre comme les gens de sa condition. Son caractère, surtout, le garantit contre les attaches criminelles. Il s’abandonne à son amour pour la science, il est avide d’occasions d’y avancer. Tout en jouant, il se livre à des observations mathématiques sur le hasard et les probabilités.

Il prend un sentiment très vif de la grandeur des choses intellectuelles. L’autorité souveraine et la science, écrit-il à la reine Christine en lui envoyant sa machine arithmétique, sont entre elles comme le corps est à l’esprit ; et d’autant que celui-ci est d’un ordre plus élevé que celui-là, la science dépasse en dignité la puissance de commander. Le pouvoir des rois sur les sujets n’est qu’une image et une figure du pouvoir des esprits sur les esprits.

Bientôt, sollicitée par les circonstances, la réflexion de Pascal se porte à des idées de conséquence plus grave.