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Il avait étudié les sciences et il les aimait passionnément. Les sciences, pourtant, ne l’avaient pas pris tout entier. Elles ne parlent pas des choses humaines, elles disputent sur des abstractions. Pascal a un besoin de vie et de sentiment trop profond pour s’y absorber. D’autre part, il a été instruit de ce que Dieu demande en effet à ceux qui prétendent le servir. Certes, il a été très frappé de la force de cette doctrine, si conforme aux enseignements de Jésus-Christ et si bien liée. Il l’a embrassée très sincèrement. Mais cette foi lui a été communiquée du dehors elle a été une adhésion de son intelligence, plus qu’elle n’a jailli de son cœur par l’action propre de la grâce.

Il n’appartient donc, en réalité, ni à la science, ni à la religion. Toutes deux sont des objets extérieurs, dont il contemple la vérité. Et ainsi, il peut se prêter tour à tour à la religion et à la science. Tandis que son esprit s’applique aux choses divines, tout le reste s’évanouit à ses yeux. Mais vienne à se présenter une question scientifique, sa fantaisie se tourne vers ce nouvel objet. Jadis il se partageait, maintenant il oscille entre le monde et Dieu. Une semblable condition est-elle durable ? Ne risque-t-elle pas notamment de mettre l’homme à la merci des circonstances extérieures ?