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les effets de ses raisonnements augmentent indéfiniment. Dès lors, grâce à la mémoire, grâce aux moyens qu’ont les hommes de conserver leurs connaissances, non seulement chacun d’eux avance de jour en jour dans les sciences, mais tous ensemble y font un continuel progrès. « De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un homme qui subsiste toujours, et qui apprend continuellement. »

Quel est donc notre vrai rapport à l’antiquité ? Les mots nous trompent. Ceux que nous appelons anciens étaient nouveaux en toutes choses, et formaient proprement l’enfance de l’humanité. C’est nous qui sommes les anciens ; et, si l’antiquité pouvait être un titre au respect, c’est nous qui serions respectables. Mais rien n’est respectable en effet, sinon la vérité, qui n’est ni jeune ni ancienne, mais éternelle. Si quelques anciens ont été grands, c’est que, dans leurs efforts pour y atteindre, ils ne se sont servis des inventions de leurs prédécesseurs que comme d’instruments pour les dépasser. De quel droit nous interdirait-on d’en user de même à leur égard ?

Ce discours de Pascal n’est pas un simple écho de la protestation de la Renaissance contre le culte superstitieux de l’antiquité. En somme, il relève les anciens plus qu’il ne les déprime. Sa doctrine du progrès lui permet de leur rendre justice, sans péril pour la libre recherche. Les connaissances qu’ils nous ont transmises, ont, selon lui, servi de degrés aux nôtres. C’est parce que nous sommes montés sur les épaules de nos prédécesseurs, que, plus aisé-