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sur des idées présentes à son esprit pour composer son expérience.

Ainsi en jugèrent les contemporains. En effet, quand Pascal eut formé son dessein, il en fit part à ses amis. Mersenne en avertit ses correspondants de Hollande, d’Italie, de Pologne, de Suède. Partout on en parla comme de l’expérience projetée par le jeune Pascal, sans que cette annonce, si répandue, donnât lieu à aucune réclamation.

Que faut-il donc penser des affirmations de Descartes ? Elles nous apprennent que, dans l’entretien qui eut lieu entre Descartes et Pascal, il fut question de l’expérience du vide faite à des altitudes différentes. Descartes conseilla à Pascal de la faire, l’assurant du succès d’après ses principes. Cette raison n’était guère de nature à toucher Pascal. Mais Descartes fit-il plus que conseiller, suggéra-t-il l’expérience ? On le croirait, à l’entendre dire que, sans son avis, Pascal « n’eût eu garde d’y penser, à cause qu’il était d’opinion contraire. Mais nous savons précisément que l’assertion contenue dans cette phrase est inexacte ; que Pascal n’était nullement d’opinion contraire qu’il était, en réalité, plus porté que Descartes lui-même à considérer l’explication par la colonne d’air comme la seule possible, et que la différence d’opinion entre Descartes et lui ne portait que sur les motifs de leur sentiment respectif.

Sans songer à mettre en doute la bonne foi de ces deux grands hommes, en qui tous les témoins célèbrent l’innocence de la vie à l’égal de la doctrine, on peut croire que, préoccupé de l’opposition que Pascal faisait à ses principes, Descartes ne crut