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conduisait la maison de Port-Royal, songea à se faire religieuse dans ce monastère. Son frère l’y encouragea ; et, par l’entremise de M. Guillebert, qui demeurait alors à Paris, elle entra en rapport avec la maison. Accueillie par la mère Angélique Arnauld, la vaillante et sévère abbesse, elle se rendit souvent à Port-Royal-des-Champs. Elle se mit sous la direction de M. Singlin, et reçut les avis de la tendre mère Agnès, sœur de mère Angélique.

M. Singlin ne tarda pas à remarquer dans Jacqueline les signes d’une véritable vocation. Mais il jugea à propos que l’on en parlât à monsieur son père. Blaise se chargea de cette commission auprès d’Étienne Pascal, qui était revenu à Paris au mois de mai 1648. Celui-ci ne put se résoudre à se séparer de sa fille et refusa son consentement. Heureux d’ailleurs de la voir se donner entièrement à Dieu, il lui laissa une entière liberté de vivre chez lui comme elle le désirait. Et ainsi elle continua à se conduire d’après les avis de la mère Agnès, avec qui elle correspondait.

Pascal partage ses idées, comme on le voit par les lettres qu’il adresse, soit seul, soit en commun avec Jacqueline, à Mme Périer. Il lit les ouvrages de Port-Royal et ceux de ses adversaires, et il est du sentiment de Port-Royal. Il en est d’ailleurs à sa manière et selon ce qu’il trouve juste. Ainsi, comme il causait un jour avec M. Rebours, confesseur de Port-Royal, il lui dit, avec sa franchise et sa simplicité ordinaires, qu’il estimait possible de démontrer, par les principes mêmes du sens commun, beaucoup de choses dont se scandalisaient les esprits forts ; et