Page:Boutroux - Pascal.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lurent de les imiter. Car la grâce du Seigneur se répandait sur eux, et Dieu les toucha, et ils se convertirent à leur tour. Mme Périer n’avait que vingt-six ans. Elle renonça aux ajustements et aux agréments de la vie mondaine, pour vivre selon la piété la plus exacte.

La famille se mit sous la conduite de M. Guillebert, l’excellent pasteur qui avait été le premier instrument de la Providence en toute cette affaire.

Le zèle qu’une lumière nouvelle avait excité chez Pascal ne se borna pas au bien des siens, mais se répandit au dehors. Il y avait alors à Rouen un ancien religieux, Jacques Forton, dit frère Saint-Ange, qui attirait les curieux par l’enseignement d’une philosophie nouvelle. Il soutenait qu’un esprit vigoureux peut, sans le secours de la foi, parvenir, par son seul raisonnement, à la connaissance de tous les mystères de la religion ; que la foi n’a d’autre rôle que de suppléer, chez les faibles, au défaut de la raison. Et des principes de sa philosophie il tirait cette conséquence, entre autres, que le corps de Jésus-Christ n’était pas formé du sang de la Vierge, mais d’une autre matière créée exprès.

Indépendamment des hérésies où aboutissait le frère Saint-Ange, Pascal jugeait condamnable, en lui-même, le principe d’où elles procédaient. Ce principe était contraire à tous les enseignements qu’il avait reçus. Il devenait proprement abominable aux yeux d’un homme qui avait appris dans Jansénius qu’attribuer aux facultés naturelles de l’homme la puissance de contribuer à notre salut, c’est déclarer inutile le sacrifice de la croix.