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plus que de lire un grand nombre de choses ; et en aucun domaine il ne fut jamais un érudit. Son instruction en théologie dut être aussi extrêmement sommaire. Il lui faudra tout apprendre lorsqu’il abordera cette science, et il n’y sera jamais qu’un écolier. En philosophie même il n’acquit certainement que des notions très générales, dans le temps qu’il étudia avec son père. Les faibles connaissances qu’il y possédera seront dues à quelques lectures qu’il fera plus tard.

Le commerce des savants ne fut pas le seul dont usa Pascal dans son enfance et sa première jeunesse. Il fut aussi, dans quelque mesure, initié à celui du monde. Sa sœur aînée Gilberte, belle et bien faite, intelligente et discrète, plaisait naturellement et était très recherchée. Elle devint maîtresse de maison, chez son père, alors qu’elle n’avait encore que quinze ans. Jacqueline avait une gentillesse d’esprit et d’humeur peu communes. Elle ravit Richelieu, devant qui elle joua la comédie. Elle faisait des vers, où elle rivalisait de galanterie avec Benserade et d’énergie stoïque avec le grand Corneille.

La famille Pascal recevait les nombreuses marques d’estime dont elle était l’objet avec une entière tranquillité d’esprit. On y avait plus de souci du mérite que de la réputation. Chargé, comme intendant de la généralité de Rouen, d’une fonction que des troubles récents en Normandie rendaient difficile et périlleuse, Étienne Pascal se montra aussi intègre que zélé, et se concilia le respect universel. Il ne s’enrichit pas dans l’exercice de sa charge. Mais il ne négligea pas non plus sa fortune. Il songea à la pousser, et à établir ses enfants.