Page:Boutroux - Pascal.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensées et de ses affections. Jésus-Christ est le centre de la religion.

Jésus-Christ est l’expression la plus complète de la contrariété qui est en tous les hommes. Il est grand, puisqu’il est Dieu ; il est la grandeur même. En même temps il est véritablement homme, et le plus humble, le plus misérable des hommes. C’est un ouvrier, obscur, pauvre et sans défense. Il est chargé des péchés de tous les fils d’Adam, et il endure les supplices les plus cruels et les plus ignominieux. Il réunit littéralement l’extrême misère et la suprême grandeur.

Son œuvre, c’est la transformation de l’obstacle en instrument, la force surgissant de la faiblesse, le mal engendrant le bien. Jésus se sacrifie, et son sacrifice a une vertu singulière. De la part de l’homme, qui a une dette à payer, un sacrifice ne peut être qu’expiatoire. Celui de l’agneau sans tache est méritoire. Et ce mérite a une efficacité toute-puissante. Tout ce qui vient de l’homme est sans effet pour changer le fond de son être. Sa volonté, dans son état actuel, est enchaînée à sa nature, et ne peut agir sur elle. Mais le mérite de Jésus Christ, infini comme l’amour qui lui donne naissance, anéantit le péché jusque dans sa racine. C’est ainsi qu’en Jésus-Christ le mal comme souffrance triomphe du mal comme malignité. Toute souffrance n’est pas rédemptrice. Subie, la douleur déprime. Mais Jésus a souffert librement et en s’unissant à la sainte volonté du Père. La vertu divine s’est communiquée à cette souffrance.

Et comme il s’est guéri, ainsi, par lui, nous pou-