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admet tous les mots, les communs, les familiers, les bas, comme les nobles et les savants. Elle préfère les expressions communes. Elle hait les mots d’enflure. Elle appelle les choses par leur nom, elle les rend sensibles elle change les idées en visions, dont l’esprit ne pourra se défaire.

Sa syntaxe est très personnelle et très souple : « Les prophéties citées dans l’Évangile, vous croyez qu’elles sont rapportées pour vous faire croire. Non ; c’est pour vous éloigner de croire. »

Il emploie l’hyperbole, l’expression qui dépasse la pensée. Ce n’est pas là un vain procédé de style, c’est la méthode d’un homme qui veut forcer la volonté : l’action suppose une vue exclusive. C’est ainsi qu’il écrit : « La seule religion contre la nature, contre le sens commun, contre nos plaisirs, est la seule qui ait toujours été. »

Comme toutes les autres parties, le nombre tend à l’effet sérieux. Charmer l’oreille serait peu de chose : on ne le prend pour juge que quand on manque de cœur. Mais n’est-ce pas le cœur même et la volonté qui ressentent la puissance du nombre, dans une phrase telle que celle-ci : « Malgré la vue de toutes nos misères, qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons réprimer, qui nous élève » ?

La maxime de se mettre à la place du lecteur, qui guidait Pascal dans sa manière d’écrire, détermine à plus forte raison le choix de ses pensées.

Il veut agir sur l’incrédule. Il se place, pour commencer, au point de vue de l’homme naturel, tel qu’il nous est donné de l’observer. L’homme, ainsi