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d’abord à Pascal, qu’elle ne pouvait manquer de y connaître, puis, par lui, à M. Singlin. Et elle refusa un mariage que lui proposait son frère. Puis du Poitou, où celui-ci l’avait emmenée pour qu’elle s’examinât, elle engagea une correspondance avec Pascal. Elle lui envoie des reliques du Poitou. Pascal lui fait part, en échange, de prières à dire à trois heures de l’après-midi. La question qu’ils vont agiter est la suivante : Mlle de Roannez doit-elle rester dans le monde ou en sortir ?

Pascal l’invite à méditer cette parole d’une sainte qu’il ne faut pas examiner si on a vocation pour sortir du monde, mais seulement si on a vocation pour y demeurer, comme on ne consulterait point si on est appelé à sortir d’une maison pestiférée, mais si on doit y rester. C’est en ces termes qu’il faut poser la question, étant donné qu’il faut prendre en toutes choses le parti le plus sûr.

Cependant Mlle de Roannez sent en elle une douloureuse anxiété, et hésite à se détacher.

La souffrance, répond Pascal, n’est pas un obstacle : c’est un signe de vocation. Certes, quand on vient à suivre volontairement celui qui nous entraîne, on ne sent pas son lien. Mais quand on commence seulement à combattre son penchant et à marcher, on souffre bien. La souffrance est le sentiment de la lutte qui se livre en nous entre la concupiscence et la grâce. Et Pascal accumule les textes, les arguments propres à convaincre l’esprit un peu flottant de la jeune fille. Il les expose avec cette éloquence lumineuse, passionnée, énergique et presque violente, qui, en même temps qu’elle force l’adhésion de l’intelligence,