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nécessaire : il suffit dé l’attrition, qui se définit : la honte d’avoir commis le péché, ou encore la crainte des peines de l’enfer, sans aucun mouvement d’amour de Dieu.

L’amour de Dieu, c’est à nous dispenser de ce premier des devoirs que tendent tous les efforts de ces prétendus chrétiens. Ils enseignent qu’il suffit de faire les œuvres, en n’ayant pour Dieu aucune haine. On exécute les pratiques machinalement, sans donner son cœur. On dit de temps en temps l’Ave Maria ; on porte un chapelet au bras, un rosaire dans sa poche. Et l’on compte sur l’effet magique de ces dévotions. La licence qu’on a prise d’ébranler les règles de la conduite chrétienne se porte aux extrémités. On viole le grand commandement ; qui comprend la loi et les prophètes. On attaque la piété dans son essence, on en ôte l’esprit qui donne la vie. On dit que l’amour de Dieu n’est pas nécessaire au salut. On va jusqu’à prétendre que cette dispense d’aimer Dieu est l’avantage que Jésus-Christ a apporté au monde. C’est le comble de l’impiété. Le prix du sang de Jésus-Christ sera de nous obtenir la dispense de l’aimer ! Ainsi on rend dignes, de jouir de Dieu dans l’éternité ceux qui n’ont jamais aimé Dieu en toute leur vie ! Voilà le mystère d’iniquité accompli.

Tel est le cri d’horreur que le dernier trait de la morale des jésuites arrache à Pascal. La fiction qui avait fait le cadre des Provinciales tombe du même coup. Montalte ne retournera pas chez le bon Père. L’heure n’est plus à la comédie, même tragique sous son enveloppe d’ironie. Les Petites Lettres ne seront