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allait se poursuivre, à coups redoublés, dans quatre autres lettres, du 25 avril au 2 août 1656.

Comment, demande Montalte à son interlocuteur, vos casuistes accordent-ils les contrariétés qui se rencontrent entre leurs opinions et les décisions des papes, des conciles et de l’Écriture ?

La question n’embarrasse nullement le bon Père. Les jésuites ont étudié et savamment résolu la difficulté. Certes, ils auraient bien voulu n’établir d’autres maximes que celles qu’on trouve dans l’Évangile. Mais les hommes sont aujourd’hui si corrompus, que, ne pouvant les faire venir à soi, il faut bien que l’on aille à eux. Le point capital, c’est de ne rebuter qui que ce soit, de ne point désespérer le monde.

C’est pourquoi les casuistes ont imaginé, en premier lieu, la méthode de l’interprétation ou de la définition. Ainsi, le pape Grégoire XIV déclare les assassins indignes de jouir de l’asile des églises. Comment, malgré cela, le leur permettre ? Il suffit de définir les assassins, ceux qui ont reçu de l’argent pour tuer quelqu’un en trahison. Dès lors, la plupart de ceux qui tuent cessent d’être des assassins.

Un second moyen est la remarque des circonstances favorables. Ainsi, les papes ont excommunié les religieux qui quittent leur habit. Mais, remarque le casuiste, les bulles ne parlent pas des cas où ils le quitteraient pour aller filouter, ou pour aller incognito en des lieux de débauche, ou pour quelque autre fin du même genre. Si donc ils quittent leur habit à de telles fins, ils n’encourent aucune excommunication.