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colère. M. le chancelier faillit suffoquer, et dut, dit-on, être saigné sept fois.

Le lendemain même de l’apparition de la première Provinciale, les docteurs amis d’Arnauld, au nombre de soixante, se retiraient de l’Assemblée en protestant contre l’irrégularité de la procédure. Pascal se mit immédiatement à la composition d’une seconde lettre, analogue à la première.

Il est, dit-il, un second point sur lequel diffèrent les jésuites et les jansénistes, c’est la doctrine de la grâce. Les jésuites veulent qu’il y ait une grâce donnée à tous, et soumise de telle sorte au libre arbitre, que celui-ci, à lui seul, la rende, à son choix, efficace ou inefficace. Ils l’appellent grâce suffisante. Les jansénistes, au contraire, ne considèrent comme actuellement suffisante que la grâce efficace, et disent qu’on n’agit jamais sans une grâce efficace. Que font les nouveaux thomistes ? Ils admettent une grâce suffisante donnée à tous, mais ils ajoutent que, pour agir, il est nécessairement besoin d’une grâce efficace, que Dieu ne donne pas à tous. Or, qu’est-ce qu’une telle grâce, sinon une grâce suffisante qui ne suffit pas ? Les dominicains, cette fois encore, se réunissent aux jésuites à la faveur d’un mot, alors que, pour la doctrine, ils sont du côté des jansénistes. Est-il digne de l’ordre de Saint-Thomas de déserter ainsi la cause de la grâce ? — Vous en parlez à votre aise, répond le bon Père. Vous êtes libre et particulier ; je suis religieux et en communauté. Nos supérieurs ont promis nos suffrages. Et certes, notre ordre a soutenu autant qu’il a pu la doctrine de saint Thomas touchant la grâce efficace. Mais les jésuites