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ses compositions la forme de lettres, employer le dialogue, créer des personnages, les mettre en scène, leur prêter un caractère, répandre sur leurs discours l’esprit, l’agrément, la passion, l’ironie, la colère, l’indignation, l’amertume, en un mot faire exister et vivre les idées qu’il expose, afin que, franchissant les intelligences, elles pénètrent jusqu’au cœur, foyer de la vie et de l’action.

La question, au début, semblait toute particulière et personnelle. Arnauld avait été condamné sur la question de fait. Il s’agissait d’empêcher qu’il ne le fût sur la question de droit. La condamnation avait été due notamment à la défection de quelques dominicains de Paris, qui s’étaient joints aux molinistes. Pascal essaye de les ramener.

Comment ces hommes qui se disent dominicains ont-ils pu se rapprocher ainsi des disciples de Molina ? L’union s’est faite à la faveur d’un mot. Les molinistes enseignent que les justes ont toujours le pouvoir prochain de prier Dieu. Par ce mot, qu’ils ont inventé, ils entendent que les justes ont tout ce qui est nécessaire pour l’action. Or les dominicains néo-thomistes, qui sont censés admettre également un pouvoir prochain, le définissent : un pouvoir qui reste sans effet s’il ne s’y joint une grâce efficace, laquelle n’est pas donnée à tous, et détermine la volonté. Visiblement, l’accord n’est que verbal. En réalité, les nouveaux thomistes pensent comme les jansénistes ils doivent donc, s’ils sont sincères, se mettre de leur côté.

C’est ce que Pascal veut leur faire entendre. Il imagine un homme du monde, Louis de Montalte,