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notamment, attribuait à l’homme la capacité de se donner lui-même la vertu. C’était la restitution à Dieu de la prérogative divine que l’homme s’était arrogée.

Cependant le dogme païen du libre arbitre, non content de la tolérance que lui accordèrent les Pères, prétendait bientôt entrer en maître dans le christianisme, avec le moine Pélage. La grâce de Dieu, disait celui-ci, est donnée à l’homme selon son mérite, et n’est pas indispensable pour se sauver.

Contre Pélage s’éleva saint Augustin, enseignant que l’homme ne possède rien qu’il n’ait reçu que, séparé de Dieu par le péché héréditaire, il ne peut non plus, naturellement, revenir à lui qu’un tonneau vide ne se peut remplir de lui-même. La grâce de Dieu par le Christ telle est la condition nécessaire et suffisante de notre salut. En vain les semi-pélagiens essayèrent-ils de concilier le principe païen avec le principe chrétien en admettant que, si l’action utile au salut peut commencer sans la grâce, elle ne peut, sans elle, s’achever et toucher son but : saint Augustin repoussa ce tempérament, et le semi-pélagianisme fut condamné.

La scolastique, qui voyait dans Aristote l’expression de la révélation naturelle, comme pendant à la révélation surnaturelle, ne put manquer de subir l’influence du philosophe. Saint Thomas fait à la raison et au libre arbitre une part plus grande que saint Augustin. La grâce, chez lui, est l’achèvement de la nature. Néanmoins les actes proprement religieux et utiles au salut ont en Dieu, avec leur fin, leur principale origine. Le bon mouvement même