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En quelques jours son travail fut achevé. Il le lut à ses amis, qui tous en furent ravis. Et le 23 janvier 1656 paraissait la première Provinciale.

La querelle où s’engage Pascal n’est-elle qu’une dispute de théologiens ? Est-ce son talent seul, sa verve et son éloquence, qui donne aux Petites Lettres leur prix et leur intérêt ? Ne sont-elles que des des œuvres d’art, où un sujet particulier, local et passager, se revêt d’une forme idéale et immortelle ?

Il n’en est rien. Ces écrits sont des actes, comme les harangues de Démosthène. Pascal s’y attaque à des réalités vivantes et redoutables, à un ordre puissant, que protège la cour : il risque d’être mis à la Bastille. Il ne mène pas une controverse théorique : il emploie toutes les armes dont il dispose à terrasser un ennemi qui, dans la pensée de Port-Royal et dans la sienne, est le destructeur de l’Église de Dieu.

La question de la grâce n’est point une invention des docteurs en théologie. Après que Jésus-Christ eut révélé aux hommes que lui seul était la voie, la vérité et la vie, saint Paul, définissant les principes de la doctrine, enseigna que la grâce, par laquelle Dieu appelle l’homme à lui, est gratuite, c’est-à-dire accordée comme un pur don et non comme une récompense que Dieu fait ; miséricorde à qui il veut et endurcit qui il veut, selon les décrets insondables de sa Providence ; que lui-même accomplit en nous le faire et le vouloir ; et qu’il en est ainsi, parce que le motif de l’action divine, c’est, et la gloire de Dieu, et l’efficacité souveraine du sacrifice d’un Dieu. Ces doctrines, saint Paul les opposa à la prétendue sagesse païenne, qui, chez les stoïciens