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considération de sa propre nature le dispose à chercher les vérités surnaturelles. L’homme est un problème dont la solution ne se trouve qu’en Dieu. Si l’on ne peut dire que Port-Royal fût précisément janséniste, au sens dogmatique que l’on attribue à ce mot, on ne saurait non plus retrouver purement et simplement les principes de Port-Royal dans les idées de son nouvel hôte. Non seulement Pascal expose ces idées dès les premiers jours de sa retraite près de l’abbaye, mais elles portent la marque de sa pensée propre. Ni M. Singlin ou M. de Saci, qui n’ont que de la défiance à l’égard de la raison et s’enferment dans la pratique, ni Arnauld, qui sépare radicalement la théologie de la philosophie, à la manière cartésienne, et ne voit que pyrrhonisme dans la prétention d’ériger la foi en principe universel de nos jugements, ne peuvent se reconnaître en lui. Pascal ne s’appuie pas immédiatement sur la foi, comme Jansénius ; il n’isole pas la vie chrétienne de l’exercice de la raison naturelle, comme Port-Royal. De son passage à travers le monde et la philosophie il a gardé le sentiment de la grandeur de la nature humaine. Dans la religion même il trouve un fondement à ce sentiment, si mêlé d’erreur qu’il puisse être. La philosophie, la science, la raison, la nature devront donc, chez Pascal, tenir leur place et jouer leur rôle dans l’établissement des vérités de la foi.