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Si les hommes, en matière naturelle, ont coutume de subordonner leur entendement à leur volonté, leur conduite est coupable, mais elle n’est pas sans quelque fondement. Car en ce qui concerne, non plus les choses naturelles, mais les choses divines, Dieu seul peut les mettre dans l’âme, et par la manière qu’il lui plaît. Or il a voulu que ces choses entrassent du cœur dans l’esprit, et non de l’esprit dans le cœur, afin d’humilier notre raison superbe, et de guérir notre cœur corrompu. La faute des hommes est donc de juger des choses naturelles d’après la règle qui ne convient qu’aux choses divines. S’il en est ainsi, l’art d’agréer, condamnable dans la vie naturelle, devient la méthode nécessaire, pour qui travaille à convertir l’incrédule. Il y a des voies par où l’on atteint sûrement le cœur de l’homme. Il y a un ordre qui donne aux pensées la force de s’insinuer en lui et de le pénétrer. C’est cette méthode surtout qu’il faut connaître et pratiquer, si l’on veut enseigner efficacement les vérités de la religion. Et Pascal conçoit la difficulté singulière, mais aussi les conditions précises de la tâche qu’il s’est assignée.

Ce n’est pas tout : du biais dont il considère les sciences, il entrevoit les principes généraux qui doivent guider ses réflexions. La géométrie nous force à reconnaître l’existence d’un double infini : l’un de grandeur, l’autre de petitesse. C’est ce qui résulte de l’analyse du mouvement, du nombre et de l’espace. Or cette notion d’un milieu entre deux infinis nous aide à nous situer nous-mêmes dans l’univers visible et invisible. Si nous cherchons quelle est