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idées étaient à peu près celles de l’auteur du Discours de la Méthode, qui avait donné tous ses soins à ce problème.

Cette rigoureuse méthode devrait suffire à nous persuader, en tout ce qui concerne les choses naturelles. Car tout y est, au fond, mouvement, nombre et espace. Mais elle ne suffit en effet que dans les matières qui n’ont aucun rapport a notre agrément. Dès que les désirs de notre cœur sont en jeu, nous fermons les yeux à l’évidence même, pour adopter ce qui nous plaît. Il y a ainsi deux entrées par où les opinions sont reçues dans notre âme : l’entendement et la volonté. Et pour être assuré d’obtenir l’adhésion des hommes, il faut savoir leur agréer, non moins que les convaincre.

Un art d’agréer est-il possible ? Certes, il y a des règles pour plaire comme pour démontrer, et non moins sûres. Qui les connaîtrait et pratiquerait en perfection réussirait aussi sûrement à se faire aimer des rois et de toutes sortes de personnes qu’à démontrer les éléments de la géométrie. Mais ces règles sont très subtiles, parce que les principes du plaisir ne sont pas fermes et stables. Pascal ne se sent pas capable d’en traiter. Et puis, cet art si puissant, il le méprise, parce qu’il y voit une suite de notre corruption, qui nous fait repousser la vérité, à moins qu’elle ne nous flatte. Dans le domaine des choses naturelles, l’ordre est que le consentement entre de l’esprit dans le cœur, et non du cœur dans l’esprit.

S’ensuit-il pourtant que l’art d’agréer soit sans emploi légitime ?