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lui en est fournie par les travaux de Port-Royal destinés aux Petites Écoles. Sans doute ce fut en vue d’une préface à un Essai d’éléments de Géométrie que Pascal composa les deux fragments qui nous sont parvenus sous ce titre commun : De l’esprit géométrique. Le second de ces fragments, que nous intitulons De l’art de persuader, n’est peut-être qu’une refonte du premier. Il s’agit, dans ces deux essais, de mettre les choses humaines à leur plan, et, par la réflexion sur les sciences naturelles, de se former l’esprit en vue de l’étude des choses divines.

Les mathématiques sont l’instrument par excellence de l’éducation intellectuelle. Le bienfait que nous leur devons réside bien moins dans les connaissances dont elles se composent que dans l’esprit de netteté qu’elles développent en nous. Elles nous apprennent ce que c’est que démontrer. En quoi donc consistent leurs démonstrations ?

Elles font profession de produire en nous la certitude. Certitude n’est pas précisément conviction. La méthode de convaincre consisterait à tout définir et à tout prouver. Mais cela est impossible. C’est pourquoi, à l’art de convaincre, la géométrie substitue une méthode qui donne du moins la certitude : l’emploi de la lumière naturelle et de la démonstration indirecte. La lumière naturelle est cette clarté qui accompagne certains objets, grâce à laquelle ils sont immédiatement entendus par tous les hommes ; c’est la nature soutenant l’ordre de nos pensées, au défaut du raisonnement. La démonstration indirecte consiste à examiner, non ce qu’il s’agit de démontrer, mais la proposition contraire, et à voir si elle