Page:Boutroux - Les principes de l’analyse mathématique.djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Léonard de Pise[1], qui s’est instruit à la double école de l’Inde et de la Grèce et qui déclare le calcul algébrique inséparable de la géométrie. Luca Pacinolo, après avoir exposé au point de vue abstrait les règles du calcul algébrique, consacre un chapitre de sa Summa à la démonstration géométrique de ces règles[2]. Viète enfin compose un important ouvrage sur la construction des racines des équations du second degré[3].

Parallèlement, d’autre part, l’habitude se généralisa de résoudre par l’algèbre les problèmes de géométrie pure [voir à ce sujet chap. iv, § 1] : la solution nouvelle était confrontée avec l’ancienne et l’on s’apercevait ainsi qu’il n’y avait point de l’une à l’autre opposition de nature et que toutes les « transformations algébriques effectuées » avaient un sens géométrique bien déterminé[4].

Et pourtant, les constructions géométriques des anciens n’ont plus pour nous et ne pouvaient avoir dès le xviie siècle qu’un intérêt rétrospectif (cf. p. 485, note i). Sans doute elles fournissent une représentation remarquable des formules de l’algèbre ; mais il ne paraît pas qu’elles en puissent faciliter le maniement ; elles l’alourdissent au contraire et elles ôtent à l’opérateur la liberté d’esprit

  1. Dans la préface de son traité d’algèbre [liber Abbaci compositus a Leonardo filio Bonacci Pisano in anno 1202], Léonard déclare : « Quare amplectens strictius ipsum modum Indorum et attentius studens in eo, ex proprio sensu quædam addens et quædam etiam ex subtilitatibus Euclidis geometria artis apponens, summam hujus libri… componere laboravi… Et quia arithmetica et geometriæ scientiæ sunt connexæ et suffragatoriæ sibi ad invicem. non potest de numero plena tradi doctrina nisi intersecantur geometrica quædam vel ad geometriam spectantia quæ hic tamen juxta modum numeri operantur, qui modus est sumptus ex multis probationibus et demonstrationibus quæ figuris geometricis fiunt » (Libri, loc. cit., t. II. p. 287 et suiv.). On pourra suivre l’exécution de ce programme au chapitre xv de l’Abbarus reproduit par Libri loc. cit., p. 307 et suiv.); « Capitulum quintum decimum de regulis geometriæ pertinentibus et de quæstionibus algebræ et almuchabile » — et aussi dans la Practica geometriæ (1220).
  2. Summa de arithmetica (1494) : « Distinctio octava, tractatus secundus : demonstratio geometrica dictarum regularum ».
  3. Francisi Vietæ Effectionum geometricarum canonica recensio (1593) : « Effectiones geometricas quibus æquationes omnes quæ quadratorum metam non excedunt commode explicentur, ita canonice recenseo ».
  4. Ce parallélisme est nettement mis en lumière dans les ouvrages de Marino Ghetaldi (vide infra, chap. iv, § 1) auquel certains historiens attribuent un rôle important dans la création de la géométrie analytique.