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ordinaires et les Esprits, dont j’en ai déjà marqué une partie, il y a encore celle-ci que les âmes en général sont des miroirs vivants ou images de l’univers des créatures mais que les esprits sont encore des images de la Divinité même, ou de l’Auteur même de la nature capables de connaître le système de l’univers et d’en imiter quelque chose par des échantillons architectoniques[1] ; chaque esprit étant comme une petite divinité dans son département (§ 147).

84. C’est ce qui fait que les Esprits sont capables d’entrer dans une Manière de Société avec Dieu, et qu’il est à leur égard, non seulement ce qu’un inventeur est à sa Machine (comme Dieu l’est par rapport aux autres créatures) mais encore ce qu’un Prince est à ses sujets, et même un père à ses enfants.

85. D’où il est aisé de conclure, que l’assemblage de

  1. L’homme, par la science et la morale, s’élève au-dessus du rôle de simple miroir de l’univers. Il acquiert quelque chose de la faculté créatrice de Dieu. Il dispose ses idées et ses actions de manière à en former comme un petit monde, qui a ses lois, son harmonie, son unité. Il fait de sa vie une expression spéciale et singulière de l’harmonie universelle. « Pour ne rien dire des merveilles des songes, a dit Leibnitz (Princ. de la nat. et de la gr., § 14), où nous inventons sans peine, et sans en avoir même la volonté, des choses auxquelles il faudrait penser longtemps pour les trouver quand on veille, notre âme est architectonique encore dans les actions volontaires, et, découvertes sciences suivant lesquelles Dieu a réglé les choses pondere, mensura, numero, elle imite dans son département et dans son petit monde, où il lui est permis de s’exercer, ce que Dieu fait dans le grand. » Comment s’opère cette création ? Suivant la loi même de la création divine. La raison qui est en l’homme, et qui fait de son âme un esprit, domine ses puissances inférieures, à peu près comme Dieu domine le monde. Chacune de ses puissances est une réalisation incomplète de l’essence qui, dans l’esprit, se déploie sans entrave et, sous l’influence de l’esprit, toutes ces puissances se développent, de manière à former un ensemble aussi riche et aussi harmonieux que possible. Ce petit monde dans le grand est comme un cercle intérieur et l’on est plus près du centre (V. sup., p. 117).