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LA MONADOLOGIE.

plein, l’âme représente aussi tout l’univers en représentant ce corps, qui lui appartient d’une manière particulière[1] (§ 400).

63. Le corps appartenant à une Monade, qui en est l’Entéléchie ou l’Âme, constitue avec l’entéléchie ce qu’on peut appeler un vivant, et avec l’âme ce qu’on appelle un animal. Or ce corps d’un vivant ou d’un animal est toujours organique ; car toute Monade étant un miroir de l’univers à sa mode, et l’univers étant réglé dans un ordre parfait, il faut qu’il y ait aussi un ordre dans le représentant, c’est-à-dire dans les perceptions de l’âme, et par conséquent dans le corps, suivant lequel l’univers y est représenté[2] (§ 403).

64. Ainsi chaque corps organique d’un vivant est une espèce de machine divine, ou d’un automate[3] naturel, qui surpasse infiniment tous les automates artificiels. Parce qu’une machine faite par l’art de l’homme, n’est pas machine dans chacune de ses parties. Par exemple la dent d’une roue de laiton a des parties ou fragments qui ne nous[4] sont plus quel-

  1. Le corps, par l’infinité de perceptions confuses relatives à l’univers entier qu’il détermine dans l’âme, est le lien qui rattache l’âme au reste du monde, c’est-à-dire qui fait communiquer les âmes entre elles.
  2. Le corps est en definitive le point de vue même de l’âme. Il détermine pour elle le champ de la perception distincte et le champ de la perception confuse.
  3. Pour : « d’automate. »
  4. Ce « nous » n’existait pas dans le texte primitif : Leibnitz l’a ajouté après coup. Cette circonstance montre que ce n’est nullement là un mot explétif. Et en effet, les parties de métal qui sont au fond de la roue sont encore, selon Leibnitz, quelque chose d’artificiel, C’est-à-dire d’hétérogène, d’organisé, de conforme à une fin, sinon à notre point de vue, du moins au point de vue de la nature. Celle-ci agit à sa manière, mettant dans les choses du distingué et de l’harmonie, jusque dans les plus secrètes profondeurs de l’être, sans que jamais on puisse rencontrer une masse brute que son art n’ait pas pénétrée.