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qu’elle s’en tire, elle est quelque chose de plus (§ 64).

21. Et il ne s’ensuit point qu’alors la substance simple soit sans aucune perception. Cela ne se peut pas même par les raisons susdites ; car elle ne saurait périr, elle ne saurait aussi subsister sans quelque affection[1], qui n’est autre chose que sa perception mais quand il y a une grande multitude de petites perceptions, où il n’y a rien de distingué, on est étourdi ; comme quand on tourne continuellement d’un même sens plusieurs fois de suite, ou il vient un vertige qui peut nous faire évanouir et qui ne nous laisse rien distinguer. Et la mort peut donner cet état pour un temps aux animaux.

22. Et comme tout présent état d’une substance simple est naturellement une suite de son état précédent[2], tellement que le présent y est gros de l’avenir (§ 360) ;

23. Donc, puisque réveillé de l’étourdissement on s’aperçoit de ses perceptions, il faut bien qu’on en ait eu immédiatement auparavant, quoiqu’on ne s’en soit point aperçu ; car une perception ne saurait venir naturellement que d’une autre perception, comme un mouvement ne peut venir naturellement que d’un mouvement (§ 401-403).

24. L’on voit par là que si nous n’avions rien de dis-

  1. Leibnitz, au lieu d’affection, avait d’abord mis : variation.
  2. Chaque état psychique a sa raison suffisante dans l’état précédent, sans qu’il y ait jamais lieu de recourir à des causes externes pour expliquer ce qui se passe dans l’âme ; et cette succession des états psychiques a sa loi propre, qui est la loi des causes finales. Ainsi il y a des lois psychiques spéciales dans lesquelles n’intervient aucun élément corporel. Ce n’est pas tout : ces lois sont le fonds métaphysique et la vérité des lois mécaniques elles-mêmes, lesquelles, considérées séparément, demeurent incomplètes et inexpliquées (Voy. sup., p. 40).