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qu’ils ont confondu avec le vulgaire un long étourdissement avec une mort à la rigueur, ce qui les a fait encore donner dans le préjugé scolastique des âmes entièrement séparées[1], et a même confirmé les esprits mal tournés dans l’opinion de la mortalité des âmes.

15. L’action du principe interne qui fait le changement ou le passage d’une perception à une autre, peut être appelé Appétition[2] : il est vrai que l’appétit

    l’objet. Les premières, disait Descartes, donnent lieu au souvenir, que les secondes ne comportent pas. L’homme, à l’état normal, possède les premières ; le fœtus, ou bien encore l’homme dans l’état de profond sommeil ou de léthargie, est réduit aux secondes (Voy. Rép. aux Ves obj., § 10-12 ; lettre à Arnauld, éd. Cousin, vol. X, p. 157 et s. ; lettre au P. Gibieuf, de l’Oratoire, éd. Cousin, vol. VIII, p. 574).

  1. Descartes se place au point de vue des conditions de la science. Il soutient que, pour trouver dans les choses un objet de science, il faut en écarter tout ce qui participe du sujet pensant, et les réduire à l’élément géométrique. D’autre part, selon lui, pour que le sujet pensant soit assuré de ne point déformer les choses par son regard même, il faut qu’il soit débarrassé de toutes les influences corporelles qui troublent sa vue, qu’il soit entendement pur. Descartes a construit son système de métaphysique pour démontrer qu’à réduire ainsi les choses aux déterminations de l’étendue, et l’âme a la faculté de connaître ces déterminations, la science ne sacrifie rien. Mais n’existe-t-il que cela en réalité, et les choses existent-elles ainsi ? Peu lui importe vraisemblablement, car c’est à comprendre les choses qu’il vise, non à se les représenter dans l’espace et dans le temps. Aussi l’histoire ne l’intéresse-elle pas. Lui-même, il est vrai, nous avertit qu’outre la pensée et l’étendue, il existe comme fait d’expérience, sous le nom de sentiment, une union véritable de la pensée et de l’étendue. Cet objet, intermédiaire, il appartient sans doute au moraliste de le considérer, car il est notre vie elle-même ; mais la science pure devra le dissoudre en chose à connaître, ou étendue, et chose connaissante, ou pensée (Voy. Desc., Princ. de Phil., I, 48).
  2. Ce qu’on appelle force n’est qu’une forme dérivée et déjà quelque peu phénoménale de la tendance. C’est pour avoir méconnu ce caractère de la force dans Leibnitz qu’on a demandé parfois pourquoi l’action de la monade est, selon lui, tout intérieure. En ramenant, allègue-t-on, la substance à la force, Leibnitz n’avait-il pas