nables. Quels sont d’ailleurs les moyens mis en œuvre dans ce combat ? On ne saurait évidemment prendre possession des notions importantes qu’au prix de certains sacrifices. Pour faire entrer la réalité mathématique dans le moule algébrico-logique, il faut la découper, la morceler, il faut se résigner à ne la pénétrer que partiellement et sous un certain angle, quitte à la réattaquer ensuite d’un autre côté. De là la variabilité, l’indétermination, l’aspect toujours provisoire, des théories. Pour analyser complètement un fait mathématique, il faudrait l’étudier d’une infinité de points de vue différents, multiplier sans limite le nombre des combinaisons algébrico-logiques dont on se sert. La science — disait M. Painlevé de la Mécanique au premier Congres international de philosophie[1] — est une méthode convergente, qui, par approximations successives, tend vers la réalité.
On voit combien le point de vue du savant qui comprend ainsi sa mission s’éloigne du point de vue synthétiste des logiciens et des algébristes.
Sans doute, le travail du mathématicien aboutit toujours à une synthèse ; néanmoins, la synthèse est désormais reléguée au second plan dans l’ordre des préoccupations du savant. Ce qui est aujourd’hui regardé comme essentiel dans le travail de découverte, c’est l’analyse, ainsi que nous le disions en commençant ce chapitre, — mais l’analyse entendue dans un sens nouveau. Après avoir été depuis le xvie ou le xve siècle — du moins, après avoir été surtout — un constructeur, un généralisateur, le mathématicien est devenu une sorte de scrutateur, qui analyse, à la manière d’un chimiste, une matière étrangère, infiniment complexe. C’est aussi, si l’on veut, un explorateur, qui tâche de s’orienter dans
- ↑ Cf. Revue de Métaphysique, 1900, p. 588.