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cès ne peut plus se manifester comme en physique par une plus ou moins grande conformité de la théorie avec les données de l’expérience.

En fait, le mathématicien ne connaît aucun principe, aucun critère objectif qui lui permette de décider si une théorie vaut ou non la peine qu’il dépense pour la construire. Force lui est, pour diriger son activité, de s’en rapporter à son flair, de s’abandonner à son inspiration espérant qu’elle lui suggérera des aperçus nouveaux. « Ce qu’il faut — écrit Émile Borel[1] sans pouvoir préciser davantage — c’est une idée heureuse, c’est l’introduction de telle notion qui permettra de grouper des faits connus et ensuite d’en découvrir de nouveaux… L’invention proprement dite, l’invention vraiment féconde consiste, en mathématiques comme dans les autres sciences, dans la découverte d’un point de vue nouveau pour classer et interpréter les faits. »


On voit que la tâche du mathématicien est loin d’être clairement tracée et l’on comprend l’embarras où l’inventeur, fréquemment, paraît se trouver. Si les observations que nous avons présentées sont justes, on pourrait chercher à expliquer cet embarras par deux causes différentes, et à première vue opposées. Le mathématicien moderne est pris au dépourvu parce qu’il dispose d’une puissance créatrice trop étendue : pouvant construire une infinité de théories, pouvant s’orienter dans une infinité de directions, il ne sait laquelle choisir. Mais il est embarrassé également parce que les notions et les propriétés qu’il étudie résistent à ses efforts, ne se plient qu’imparfaitement à sa volonté ; on sent que ses notions

  1. Logique et intuition en Mathématiques, Revue de Métaphysique, mai 1907, p. 281.