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été mis en évidence par Leibniz, qui, dans sa jeunesse, avait conçu le plan de généraliser le symbolisme mathématique jusqu’à en faire une caractéristique universelle ; mais Leibniz, en cela, ne faisait que suivre la voie où conduisaient directement les conceptions cartésiennes.

On peut, il est vrai, opposer l’algèbre du fini et celle de l’infini en soutenant que cette dernière est liée à une conception en quelque sorte dynamiste des Mathématiques ; elle étudie — dira-t-on — des notions qui n’existent qu’en puissance et non actuellement ; elle repose sur cette idée que l’aboutissement d’un processus indéfini, le résultat d’une opération qui n’est jamais achevée, peut-être regardé comme une réalité mathématique. Nous dirons plus loin en quel sens ces remarques nous paraissent fondées[1]. Nous croyons cependant que pour les créateurs de la théorie des séries, elles n’ont d’autre valeur que celle d’un rapprochement. Le calcul des séries n’est pas — au point de vue technique — d’une autre nature que le calcul algébrique élémentaire ; seulement il ne nous conduit pas directement au but parce qu’il ne nous donne ce que nous cherchons que d’une manière approchée. Or l’idée d’approximation — presque aussi vieille, nous l’avons rappelé, que la géométrie et l’arithmétique grecques — n’a rien à voir avec le dynamisme. À moins, toutefois, que l’on ne veuille admettre que l’existence du fait mathématique obtenu par approximation est le résultat de cette approximation même. Mais c’est là une vue que Leibniz lui-même n’eût pas adoptée et qui, d’ailleurs, est d’ordre purement métaphysique. Le problème de l’existence des notions de l’Analyse — et spécialement des fonctions — ne pou-

  1. Infra, chapitre III.