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moitié du xviie siècle, nous nous trouvons tout d’abord en présence d’un problème historique assez délicat.

Au moment même où la méthode cartésienne commence à être universellement adoptée et à manifester toute sa fécondité, un événement capital se produit qui a pour effet de la reléguer temporairement dans l’ombre : nous voulons parler de la création du calcul infinitésimal. Le rôle considérable que joua immédiatement ce calcul dans toutes les parties des mathématiques le fit bientôt regarder comme la base fondamentale et l’instrument par excellence de la Mathématique pure, si bien que les chaires d’université où cette Mathématique était enseignée furent baptisées, et sont encore appelées aujourd’hui en France et en Angleterre, chaires de calcul infinitésimal ou chaire de calcul différentiel et intégral. D’ailleurs les difficultés philosophiques auxquelles semblait donner lieu la notion d’infini, le mystère qui l’enveloppait en apparence, incitaient naturellement les analystes à considérer le nouveau calcul comme radicalement différent de l’ancien. On crut donc de bonne foi que l’on était entré dans une ère nouvelle et que les découvertes de Newton et de Leibniz avaient révolutionné la science mathématique.

Du point de vue auquel nous nous plaçons dans cet ouvrage, les faits ne sauraient pourtant apparaître sous ce jour. Sans doute le calcul infinitésimal soulevait certaines questions délicates. Mais il ne contenait rien qui fût contraire aux principes de l’algèbre finie. Si d’ailleurs l’on examine en détail l’enchaînement historique des théories de l’Analyse, on constate que, loin de s’opposer l’une à l’autre, la méthode cartésienne et la méthode newtonienne ou leibnitienne ont été, dans ces théories, constamment associées. Descartes, en somme, s’était contenté de tracer un programme ; il avait ouvert